
POUR UN MORATOIRE !
Qu'est-ce qu'un moratoire des loyers ?
Le moratoire des loyers, c’est la suspension de l’obligation de payer le loyer pour tout ou partie des locataires et l’arrêt de toute sanction à l’encontre de ceux qui l’ont suspendu par nécessité ou par solidarité. Le moratoire est institué par une loi. Le moratoire détermine la fin de la suspension du loyer et les conditions d’annulation ou de réduction des loyers non versés pendant la période du moratoire, par exemple en fonction de la part du loyer dans le revenu de chaque locataire (taux d’effort). Le même principe peut aussi s’appliquer aux traites mensuelles des accédants à la propriété qui connaissent une chute de revenu.
Moratoire des loyers : deux précédents historiques :
La France a connu deux moratoires des loyers, dans des situations différentes de celle que nous connaissons aujourd’hui : lors du siège de Paris par les Prussiens en 1870-71, bloquant l’économie et l’approvisionnement alimentaire, puis lors de l’entrée dans la guerre de 1914-1918.
- 1870-1871 : La plupart des locataires sont mis au chômage suite au siège de Paris par les prussiens à partir du 18 sept. 1870 et ne peuvent plus payer leur loyer. Le gouvernement républicain prononce le moratoire des loyers le 30 sept. 1870. Abrogé par le gouvernement royaliste le 10 mars 1971, il est rétabli le 28 mars par la Commune de Paris naissante. Après l’écrasement sanglant de la Commune, le moratoire se conclut par la création de « jurys mixtes » par quartier, composés de 2 bailleurs, 2 locataires et un juge de paix, compétents pour réduire la dette et l’étaler sur 2 ans.
- 1914-1918 : suites aux fortes mobilisations de locataires d’avant-guerre, et afin d’éviter l’expulsion des familles pendant que les hommes sont au front, un moratoire des loyers est prononcé le 4 août 1914. Les bailleurs doivent aussi contribuer à l’effort de guerre. Après reconduction trimestrielle du moratoire des loyers, la loi du 9 mars 1918 vient exonérer les « petits loyers » des « loyers de guerre », soit les 3⁄4 des locataires. Des « commissions arbitrales », sur le modèle de 1871, sont créés pour gérer les conflits. Après 1918, les loyers resteront bas pendant 30 ans et modérés les 4 décennies suivant la 2e guerre mondiale, ayant pour effets de solvabiliser les locataires, renforcer la protection sociale et améliorer les conditions de vie des classes populaires.
l'irresponsable inaction du gouvernement
Le 31 mars dernier, un communiqué du Ministère du logement fait état d’aides « se montant à près de 350 millions d’euros placées sous la responsabilité des conseils départementaux, elles pourront être utilement mobilisées en faveur des locataires les plus fragiles, qui sont justement éligibles au FSL. »
Or le FSL n’est pas une aide nouvelle, son budget annuel est de 350 millions, payés surtout par les départements et des entreprises. L’état n’annonce même pas une aide nouvelle. Pourtant le confinement est le premier moyen de lutte contre la propagation. En l’état après l’épidémie, une catastrophe d’ampleur s’annonce, comme aux USA ou en Espagne après la crise de 2008.
Quelques chiffres :
- La France compte 12,7 millions de locataires, dont 5,3 millions logés en HLM et 7,4 millions logés dans le privé. Le total des loyers net (loyer – APL) prélevés mensuellement se monte à 1,4 milliards en HLM et 3,7 milliards dans le privé.
- 473 000 locataires HLM étaient en plan d’apurement pour impayé de loyer en 2017. Combien le sont dans le secteur privé ?
- Pierre Concialdi, économiste à l’IRES, nous apprend dans sa note du 16 avril, que 2, 5 à 2,8 millions de ménages locataires et d’accédants à la propriété de leur logement (soit 6 à 7 millions de personnes) sont en situation de baisse de leur revenu, et doivent fournir un effort supplémentaire pour régler leur échéance. Parmi ceux là, hors retraités et minimas sociaux, un grand nombre sont des salariés pauvres, auxquels il faut ajouter de travailleurs non déclarés dans le tourisme, la restauration, le BTP, les emplois de proximité, dit du secteur informel… Les étudiants salariés de petits boulots logés pour la plus grande part dans le secteur privé, sont aussi en grande difficulté s’ils ne sont pas en famille.
- Ces personnes ne seront quasiment pas bénéficiaires des aides financières sociales que le gouvernement vient d’annoncer.
N’oublions pas que les locataires sont parmi les moins riches des ménages, et les plus exposés, du fait de leurs mauvaises conditions de logement et des loyers chers : surpeuplement, insalubrité, expulsion …
=> Cf. Note de P. Concialdi, chercheur à l’Ires: « Confinement, récession et baisse des revenus : Quel impact des charges fixes de logement sur les contraintes budgétaires des ménages »
Un risque d’expulsions massives :
La loi sur l’état d’urgence sanitaire a prévu la possibilité d’un moratoire des loyers et des factures d’énergie pour les locaux professionnels et les fluides des entreprises, pas pour les habitants. Le gouvernement ignore délibérément la détresse dans laquelle les locataires et accédants, ou locataires de leur banques sont plongés lorsqu’ils auront perdu une partie, voire la totalité, de leurs revenus, particulièrement fin avril.
Il garde le cap du soutien à la rente locative et sacrifie le logement social déjà fragilisé par les baisses successives de l’APL et des aides à la production de nouveaux HLM.
Il prend le risque de jeter à la rue, après l’épidémie, des centaines de milliers de locataires qui ne pourront payer leur loyer, comme on l’a vu aux USA et en Espagne après la crise de 2008. Déjà beaucoup n’ont d’autre choix que de suspendre l’échéance de fin mars pour se nourrir, se soigner, se laver, garder des liens…Il faut des mesures concrètes, et nous n’accepterons pas les promesses !
Les mesures à prendre : immédiates et concrètes.
Des mesures immédiates sont nécessaires, dépendant du bon vouloir de l’État :
-
- Mise en place d’un fond de 2 milliards d’euros minimum pour faire face aux impayés de loyers et traites en cascade qui s’annoncent. Il faut aussi maintenir l’APL qui est supprimée après 2 mois d’impayés ;
- Annulation de tout frais de procédure, tel que commandement de payer, pendant la pandémie et ses suites, et des frais bancaires par exemple pour rejet de prélèvement;
- Suspension de l’acquisition de la clause résolutoire lorsque le locataire n’a pu, du fait des mesures de confinement obligatoire, honorer son échéance à la suite d’un jugement antérieur;
- Pour les locataires : mobilisation des services sociaux et des tribunaux d’instance ou, si nécessaire, création de « commissions arbitrales », pour prononcer l’exonération partielle ou totale des loyers impayés en fonction de revenus du ménage et un éventuel échéancier pour les locataires et accédants les plus aisés;
- Prévoir des mesures équivalentes pour les accédants à la propriété en difficulté;
- Coté bailleurs, il faut renforcer le logement social face à cette crise, et aider les propriétaires bailleurs d’un seul logement aux revenus modestes;
- 2020 année blanche des expulsions: le temps d’amortir la crise et d’arrêter les expulsions sans relogement;
- La baisse des loyers particulièrement dans le secteur privé, avec une hausse des APL en HLM;
- La réquisition des meublés touristiques type AirBnB, hôtels, logements et bureaux vacants;
- La production massive de logement sociaux pour les petites mains de l’économie souvent logées dans des conditions déplorables et une politique déterminée contre le logement cher et la spéculation;

LES PREMIER.E.S SIGNATAIRES
Laurent Alcini, Taverny, CGT Nexity
Christel Baras, Directrice de casting
Julien Bayou, Secrétaire National EELV
Esther Benbassa, Sénatrice EELV
Djamel Blanchard, Pas Sans Nous 49
Patrice Bouillon Indecosa CGT
Annick Coupé, Secrétaire Générale d’Attac
Alain Coulombel, Porte parole EELV
Agnès Deboulet, sociologue, Paris-8, APPUII
Karima Delli, Député Européenne EELV
Christine Delphy, sociologue,
Jean-Baptiste Eyraud, Porte Parole DAL
Catherine Fléchard, CGT Energie 75
Bernard Friot, Paris, sociologue du travail
Jean-Pierre Garnier, urbaniste et sociologue,
Pierre Garnodier, CNTPEP CGT
Jean-Philippe Gasparotto, CGT groupe CDC
Liliane Guillerm, Présidente de la CNL 40
Adèle Haenel Actrice
Gustave Kervern, Réalisateur
Pierre Khalfa, économiste, Fondation Copernic
Patrice Langinier, CGT, SG de Foncière Logement
Benoît Martin, Paris, Secrétaire UD CGT 75
Madani Marzuk, militant associatif
Gustave Massiah, Attac, ex président du CRID
Mohamed Mechmache, Pas Sans Nous
Jean-Luc Mélenchon, député FI
Willy Pelletier, Fondation Copernic
Mathilde Panot, députée FI Val-de-Marne
Jean-François Pellissier, PP d’Ensemble
Evelyne Perrin, Réseau Stop Précarité,
Etienne Pinte, ex Président du CNLE
Philippe Poutou, Porte-parole du NPA
Raphael Pradeau, Porte Parole d’Attac
Mohamed Ragoubi, Délégué DAL HLM
Karole Rocher, Actrice
Sanseverino chanteur et guitariste
Aloise Sauvage chanteuse
Alfred Spira, Médecin épidémiologiste
Dominique Tricaud, Avocat
Aurélie Trouvé, Porte Parole d’Attac,
Marina Vlady, Comédienne et Ecrivaine
Wozniak artiste peintre et dessinateur
Liste des 1er.e.s signataires : Cliquer ici
Droit au Logement (DAL)
Union Syndicale Solidaires
Attac
Les Amis de la Terre
COPAF
Sud Education 94
UD CGT 75
CGT Privés d’Emploi
CNTPEP CGT
Union des Étudiant.E.S Toulousain.e.s
Coordination Nationale Pas Sans Nous
CNAFAL
CNT-Solidarité Ouvrière
Acceptess Transgenre
Comité de lutte Lyon 2
AC! Agir ensemble contre le chômage
APEIS
FTCR
UTAC
CRLDHT
Act’Up Sud Ouest
FSU31
APDL91
ATMF
ACORT
LIFPL
Robins des Villes
Femmes Gilets Jaunes
Les ActupienNEs
JOC
APU de Fives
Ainsi que:
UCL
Ensemble 31
…
Moratoire des loyers :
Ce qui se fait ailleurs
L’Allemagne a mis en place un moratoire sur les loyers pour l’ensemble des locataires qui peuvent suspendre le paiement de leur loyer avec un délai de plus de 2 ans pour rembourser, jusqu’en septembre 2022. Selon RFI 25 mars 2020.
Moratoire de 4 mois des loyers dus aux « grands propriétaires » (ceux possédant plus de 8 propriétés) et aux fonds d’investissements. Une fois le moratoire terminé, les deux parties devront s’accorder sur le paiement des loyers non payés. En cas d’absence d’accord, la dette sera restructurée ou une remise de 50 % de la dette devra être accordée.
Arrêt de toutes les procédures d’expulsion à la suite d’un impayé du loyer. Cette mesure sera en vigueur 6 mois après la finalisation de l’état d’alerte.
Moratoire de 3 mois sur les mensualités de remboursement des prêts immobiliers pour les ménages et les travailleurs en situation de « vulnérabilité économique »
À Barcelone : la suspension du paiement des loyers dans le parc social pendant l’épidémie annoncée par Ada Colau la maire de Barcelone le 24 mars 2020. 12 000 familles seraient concernées de près ou de loin par les mesures. Les locataires ne paient pas avril, mai, juin et ont jusqu’en décembre 2012 pour rembourser leurs loyers. Selon le site de la mairie de Barcelone
Suspension des loyers en HLM, pour les locataires qui ne peuvent payer, jusqu’en juin. «À la fin du mois de juin, le montant non facturé peut être payé sur 18 mois sans aucun intérêt ni pénalité » Concerne environ 24000 logements soit 70000 personnes selon le Figaro Immobilier site internet du 30 mars 2020.
Délais de paiement des loyers accordés : « Les locataires en retard de paiement à cause des mesures de lutte contre le coronavirus bénéficieront de 90 jours au lieu de 30 pour s’acquitter d’arriérés de paiements concernant des loyers et frais accessoires dus entre le 13 mars et le 31 mai » selon 24heures le 27 mars 2020
Aide au paiement des loyers « Le gouvernement va aussi apporter 1 milliard de livre d’aide au paiement des loyers qui va bénéficier à 4 millions de foyers parmi les plus démunis » selon BFM Tv le 20 mars
Suspension des remboursements des crédits immobiliers. Annonce du ministre des finance «il y aura une simplification des procédures concernant la suspension jusqu’à 18 mois des prêts immobiliers pour la résidence principale. » selon le Figaro immobilier du 13 mars
Gel des loyers et moratoire sur les expulsions durant la durée de la crise adoptés par la loi d’urgence selon France Info 25 mars.
Pas de moratoire malgré pression forte des locataires (grève loyers, pétition) et des mouvements (FRAPRU notamment). Une aide de 2000 $ est prévue pour le mois à venir pour personnes qui ont perdu leur emploi.
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Cependant en Colombie-Britannique, des mesures du gouvernement fédéral annoncées : gel des loyers et suspension des expulsions.
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